Lumière instantanée (2)
Dans cette seconde partie (voir post 1), les polaroïds de Tarkovski durant son exil en Italie.
Je suis parfois traversé d'un sentiment
de bonheur éclatant, qui ébranle
toute mon âme, et dans ces minutes d'harmonie,
le monde qui m'entoure revêt son aspect véritable --
équilibré et nécessaire, et ma structure intérieure, spirituelle,
correspond à la structure extérieure des choses,
au milieu, à l'univers -- et inversement.
En ces minutes-là je me crois tout puissant,
mon amour est à la hauteur de n'importe quel héroïsme,
et je crois alors que tout est surmontable, accessible,
que le malheur et le désespoir seront vaincus,
et que la souffrance fera place au triomphe
du rêve et de l'espérance.
Je traverse l'une de ces minutes là.
Je crois que Larissa arrivera à amener Andréï ici
et qu'ensemble nous boirons du jus d'orange
et nous mangerons une glace
Rue Cola di Rienzo, au café Leroy.
Et je ne le crois pas seulement.
Je sais qu'il en sera ainsi.
Un jeune homme sur le bord de la route.
Il fait de l'auto stop. Il lève le bras.
Personne ne s'arrête.
Il a l'air triste, il est blond.
Cela m'a fait penser à Tiapa.
Lui aussi, il va grandir, devenir adulte,
et il ressentira la solitude.
Nous sommes crucifiés dans une seule dimension,
quand l'univers, lui, est multi-directionnel.
Nous le sentons, et souffrons
de ne pouvoir connaître la vérité.
Mais connaître n'est pas nécessaire.
Ce qu'il faut, c'est aimer.
Et croire.
Car la foi, c'est la connaissance par l'amour.
Lumière instantanée est un livre aux éditions Philippe Rey.