Danse Macabre, de Stephen King
Poste de nuit
Warwick fit face à Hall, se contraignant farouchement à sourire. Hall ne put s'empêcher de l'admirer.
_ On ne peut pas aller plus loin, Hall. Tu dois bien t'en rendre compte.
_ Je pense que toi et les rats avez des affaires à régler, rétorqua Hall.
Warwick s'effondra.
_ Je t'en prie, fit-il. Je t'en prie.
Hall sourit.
_ Avance.
Warwick regardait par dessus son épaule.
_ Ils ont entamé le tuyau. Quand ils en seront venus à bout, ça sera fini pour nous.
_ Je sais. Avance.
_ T'es complétement dingue...
Un
rat frôla la botte de Warwick qui laissa échapper un cri. Hall sourit
et agita sa torche. Ils étaient tout autour, le plus proche se tenant à
moins de 30 centimètres.
Warwick recommença à marcher. Les rats reculèrent.
Les
deux hommes gravirent la petite bosse et regardèrent de l'autre côté.
Hall vit se décomposer le visage de Warwick qui l'avait précédé. Un
filet de bave coulait le long de son menton.
_ Oh ! mon Dieu ! Seigneur Jésus !
Il s'apprêta à fuir.
Hall
ouvrit le jet et l'eau sous pression frappa le chef d'équipe en pleine
poitrine, le propulsant hors de vue. Il y eu un long hurlement qui
couvrit le mugissement de l'eau.
Comme une passerelle
Assis
sur le perron de ma maison, Richard et moi regardions le golfe qui se
profilait au-delà des dunes. La fumée de son cigare flottait dans
l'air, éloignant les moustiques. L'eau de la mer était fraîche, sous un
ciel du bleu le plus profond, le plus intense.
_ Une passerelle,
dis-tu, une tête de pont... intervint pensivement Richard. Tu es
sûr que tu as tué ce garçon..., tu n'as pas rêvé ?
_ Non, je n'ai pas rêvé. Et je ne l'ai pas tué non plus... Je te l'ai déjà expliqué. Ce sont eux. Je ne suis que la passerelle.
Richard soupira.
_ Tu l'as enterré ?
_ Oui.
_ Tu te rappelles où ?
_ Oui.
Je
fourrageai dans ma poche de poitrine et en extirpai une cigarette. Les
bandages qui les emmaillotaient rendaient mes mains malhabiles. Elles
me démangeaient horriblement.
_ Si tu veux le voir, il va falloir
que tu prennes le tout-terrain. Tu ne pourras pas pousser ça... (je
désignais ma chaise roulante) ... sur le sable. Le tout-terrain de
Richard était une VW 59 montée sur des pneus larges comme des
traversins. Il s'en servait pour ramasser le bois des épaves. Depuis
qu'il s'était retiré des affaires qui le retenaient au Maryland, il
s'était installé sur l'île de Key Caroline où il sculptait ses
trouvailles avant des les vendre aux hivernants à des prix éhontés.
Il tira sur son cigare, le regard rivé au golfe.
_ Pas maintenant. Veux-tu reprendre depuis le début ?
Je
poussai un soupir puis tentai d'allumer ma cigarette. Richard me prit
les allumettes des mains et le fit à ma place. j'inhalai deux longues
bouffées. Les démangeaisons de mes doigts devenaient intolérables.
_
C'est bon, commençai-je. Hier soir, à 7 heures, je me trouvais ici
même, à fumer en contemplant le golfe, exactement comme en ce moment,
et...
_ Remonte plus loin, me pressa-t-il.
_ Plus loin?
_ Parle-moi du vol.
Je secouai la tête.
_ Nous avons déjà passé tout cela au crible , Richard.
Son visage tanné et buriné était aussi énigmatique que celui d'une de ses statuettes en bois.
_ Tu pourrais te souvenir de quelque chose maintenant, dit-il.
_ Tu crois vraiment ?
_ On ne sait jamais. Et quand nous en aurons fini, nous partirons à la recherche de la tombe.
_ La tombe, repris-je.
Ce
mot réveilla en moi de vertigineuses sensations, sinistres au delà de
toute expression, plus sinistres encore que les espaces impitoyables
que Cory et moi avions explorés cinq années durant.
Sous les bandages, les petits yeux tentaient en vain de percer l'obscurité dans laquelle ils étaient confinés. Ils me démangeaient.
4ème de couverture :
Ce recueil de nouvelle regorge d'inventions et de violence. Le
fantastiques et l'horreur surgissent au détour des réalités les plus
familères. Ainsi...
Quand un tueur à gages rentre de voyage, mission
accomplie, et qu'il découvre dans un colis arrivé en son absence des
soldats de plomb, il a envie de sourire, non ? Il aurait tort...
Quand
des camions mènent un train d'enfer sur le parking de votre motel et
vous assiègent, n'y a-t-il pas de quoi devenir fou ? surtout quand on
s'aperçoit qu'il s'agit de camions sans chauffeur...